La Vallée Des Loups

Il existe de par le monde quelques Hautes Écoles de Magie, secrètes et élitistes. Dana a l'incroyable chance d'être choisie comme élève par le Maître de la Tour de la Vallée des Loups. Mais pourquoi elle ? Y aurait-il un rapport avec l'existence de Kai, ce jeune garçon qu'elle seule peut voir et entendre ? Ou avec cette mystérieuse prisonnière qui l'appelle à son secours ? Dana devra désobéir à son Maître pour venir en aide à cette étrange femme qui lui ordonne de partir à la recherche d'une licorne. Mais les loups de la Vallée semblent décidés à ne pas la laisser faire...

KAI

Le vent fouettait inlassablement les branches des arbres et mugissait autour de la ferme. La vieille bâtisse supportait bravement les secousses, ne laissant échapper un gémissement que lors des attaques les plus rudes. Le ciel était dégagé, mais l'absence de lune rendait la nuit particulièrement sombre.
Les habitants de la ferme dormaient tranquillement, sans craindre de voir le toit s'effondrer sur leurs têtes. Cette terre inhospitalière avait connu de nombreux orages. Les animaux, eux, étaient inquiets. Leur instinct leur disait que cette nuit n'était pas comme les autres.
Ils ne se trompaient pas.
Alors que les murs grinçaient sous les assauts du vent furieux, un cri déchira la nuit.
Tous les habitants de la ferme furent bientôt réveillés. Un garçon fut envoyé au village chercher la sage-femme. Il partit au pas de course. Son frère ou sa soeur était sur le point de naître.
À la ferme, l'inquiétude régnait. La mère, qui avait déjà mis cinq enfants au monde, n'avait jamais eu si mal. Quelque chose n'allait pas : elle était encore à deux mois du terme. On se mit à craindre pour la vie de la femme et du bébé.
La sage-femme arriva vingt minutes plus tard, à bout de souffle. Elle exigea qu'on la laisse seule avec la mère et referma la porte derrière elles. Il fallut attendre de longues heures, dans une tension grandissante, avant que des pleurs ne se fassent finalement entendre par-dessus le bruit de la tempête.
«Mon enfant !» s'écria le père.
Il ouvrit la porte à toute volée, mais s'arrêta sur le seuil de la chambre. Son épouse était vivante ; épuisée, couverte de sueur, mais vivante. À ses côtés, la sage-femme tenait le nouveau-né à bout de bras et l'examinait avec une expression étrange teintée d'angoisse.
C'était une fille minuscule, à la peau fripée, aux yeux d'un bleu profond. Une unique mèche de cheveux noirs ornait son crâne qui paraissait trop grand pour elle.
«Qu'est-ce qui se passe ? demanda la mère, préoccupée. Elle n'est pas en bonne santé ?»
La vieille fut parcourue d'un frisson, mais elle se hâta de rassurer l'accouchée :
«Si, si, elle va bien.»
Elle ne dit jamais à personne l'étrange lueur qu'elle avait vue dans ce regard bleu qui se posait pour la première fois sur le monde.
On l'appela Dana, et elle fut élevée comme ses frères et soeurs l'avaient été. Elle apprenait rapidement et s'attelait sans rechigner aux besognes qui lui étaient attribuées. La survie de la famille, hiver après hiver, dépendait du travail de chacun ; l'enfant comprit rapidement l'importance de ses corvées.
Il fut pourtant vite évident qu'elle était différente. Réservée, discrète comme un chat, elle ne parlait presque jamais. Son regard était grave et pensif. Elle ne se mêlait pas aux autres enfants.